N’attendons rien de la société qui s’épuise dans sa folle course autodestructrice.
Seul un réveil des consciences individuelles permettra de remettre la nature et l’homme
au centre de notre civilisation. C’est le message de Pierre Rabhi.
« Avec les médias, les moyens de déplacement rapides et les informations tout azimut
concernant l’état du monde, nous sommes de plus en plus nombreux à éprouver la
sensation que l’histoire de l’humanité est dans une phase complexe et décisive. Pour
certains d’entre nous, nous allons inexorablement droit dans le mur, pour d’autres la
science saura trouver des solutions à tous nos problèmes, y compris ceux qui lui sont
imputables, et pour d’autres encore, tout ce qui arrive s’inscrit dans un plan
prédéterminé par l’intelligence originelle, et mêmes les pires tragédies contribuent à
une indispensable évolution avec une finalité hautement positive. Il y a même ceux qui
pensent que des entités bienveillantes et étrangères à notre réalité terrestres
interviendront avant le désastre final, etc.
Tous les clignotants sont au rouge
Au-delà de ces considérations qui ne sont malgré tout que des hypothèses et des
croyances, des éléments très objectifs permettent d’établir un diagnostic et des
appréciations tout a fait rationnelles sur la situation globale. Si nous disposions d’un
tableau de bord réunissant tous les paramètres constitutifs de fonctionnement et des
évolutions sur notre planète, tous les clignotants seraient au rouge. Le pillage et la
dissipation des ressources vivantes et vitales n’ont jamais atteint une telle intensité.
La raréfaction du pétrole concorde avec une demande vertigineuse et condamne la
stupide civilisation de la combustion énergétique à la finitude. Tout cela induit des
détériorations considérables sur la biosphère toute entière, des souffrances inouïes
et des désordres, des migrations et des violences ininterrompues. Le système humain
n’a jamais été aussi convulsé.
Une conscience collective en régression
Bref, notre vaisseau spatial est en mutinerie et en perdition pour cause de non évolution,
voir de régression de la conscience collective. Il est par ailleurs inutile de revenir sur les
évolutions climatiques prévisibles et imprévisibles, et nous savons que la nature mettra
des limites à toutes nos outrances. Tous ces constats nous sont chaque jour rappelés
par des scientifiques consciencieux, les rayons des bibliothèques ne cessent de ployer
sous le poids des »bouquins » et des revues qui tentent d’alerter les citoyens. Ces
derniers se sentent pour la plupart impuissants et, faute de pouvoir "être" pleinement
dans cette tourmente, tentent au moins d’exister un peu dans un monde aléatoire.
Face à ce chaos, d’aucuns proclament q’un autre monde est possible, mais de quel
monde s’agit-il ? Sur quelles valeurs solides et pérennes sera-t-il fondé ? Dans ce
contexte d’urgence écologique et humaine absolue, les politiques nationales et
internationales révèlent leur ignorance, leur indifférence, leur impuissance ou leur
cynisme. Depuis la rencontre de Rio de Janeiro qui avait suscité quelques espoirs
auprès des consciences éveillées et responsables, rien de sérieux, de rationnel et
d’honnête n’a été engagé depuis. Les sommets se suivent et se concluent sur des
recommandations hypocrites qui ressemblent à des fins de non-recevoir. Le sort de
la planète et des humains qu’elle héberge n’intéresse pas des politiques
essentiellement subordonnés aux pleins pouvoirs de l’argent et du profit sans limite,
et à des mécanismes géopolitiques dont ils sont otages.
Entre le vieux monde en déclin évident et le monde possible, il existe une transition.
Cette transition, qui ne cesse de se restreindre, est le seul espace de tous les possibles,
de toutes les utopies. Heureusement il n’y a pas que des citoyens passifs au cœur de ce
que l’on appelle la société civile prolifèrent des "graines de possibles", sous la forme de
réflexion, d’innovation, de réalisations dans tous les domaines : science, technique,
agriculture, petites industries, gestion intelligente des ressources. Il n’est pas de secteur
constitutif de notre société qui ne soit repensé.
L’autonomie pour ce libérer des systèmes
C’est dans ce vaste laboratoire d’expérimentation d’intérêt général que s’élaborent les
autonomies et l’autonomie comme fondement principal d’une société libérée de la
tyrannie, de l’insatiabilité érigée en système économique mondial subordonnant
l’humain à toutes ses ambitions. Cependant, un tel système prend force parce qu’il
a affaire à des citoyens conditionnés au consentement. Ce système manipule les
individus, les adapte à ses visées générant une impression de manque permanent,
entretenu par la publicité.
C’est pour cette raison que l’autolimitation et la sobriété comme art de vivre deviennent
un des grands moyens de résistance et de libération. Cela renvoie chacun de nous à sa
responsabilité directe et aux choix qu’il fait quotidiennement pour gérer sa propre vie.
Toute action d’autonomie individuelle et collective est en réalité un acte politique.
Cependant, aucune mutation durable ne sera possible sans la mutation de
l’humain, et cela nous renvoie également à nous-mêmes et aux valeurs sur lesquelles
nous fondons l’éducation de nos enfants. Sortir d’un monde duel pour un monde unitaire
et solidaire passe par l’unité que nous aurons réalisée en nous.»
Source: Extrait du dernier livre de Pierre Rabhi,
Conscience et environnement. La symphonie de la vie.
Editions Le Relié, 2006
Vous pouvez véririfier : http://www.pierrerabhi.org